VTT – Usure et allongement, à quel moment changer sa chaine ?
Aujourd’hui on s’intéresse à un sujet qui, aussi basique qu’il puisse paraître, me fait souvent grincer des dents. Parce que oui, une chaîne, ça se change. Et non, il n’est pas utile d’attendre d’avoir fusillé sa transmission à 500€ pour remplacer l’ensemble. Je vous explique dans cet article comment faire en sorte de changer la chaîne de votre VTT d’amour au bon moment, ni trop tôt, ni trop tard.
Usure d’une chaîne de vélo : pourquoi, comment ?
Si vous lisez cet article, il est possible qu’il soit déjà trop tard. Votre chaîne saute quand vous mettez les watts, les vitesses sont parfois difficiles à passer, et pourtant vous êtes sûr du réglage de votre dérailleur.
Ou alors vous êtes proactif, et vous vous demandez simplement quand il va falloir passer à la caisse pour remplacer cet élément de votre vélo sans lequel il est impossible d’avancer.
Le fait est que oui, une chaîne de vélo s’use, et au bout d’un moment il faut bel et bien la remplacer. Mais pourquoi donc ?
Une chaîne standard est constituée de maillons en acier, chaque maillon étant articulé par rapport à ses voisins via un rivet. Cela permet à la chaîne de s’enrouler autour de chaque pignon ou plateau.
Un maillon est constitué de plusieurs éléments. La partie la plus visible, ce sont les plaques extérieures et intérieures. Vous avez déjà du vous rendre compte qu’un maillon sur deux est fait de plaques intérieures ou internes, et l’autre de plaques extérieures ou externes. On a donc un maillon intérieur, et un maillon… extérieur. Deux maillons consécutifs forment un lien ou couple, qui est articulé autour d’un axe ou rivet. Oui, je l’ai déjà dit ; c’est bien, vous suivez. Ce rivet vient se loger dans une bague intégrée à chaque plaque intérieure et est serti sur les plaques extérieures. Sur ce rivet vient se superposer un rouleau, qui va constamment venir au contact des dents de vos pignons ou plateaux quand vous roulez.
On distingue deux types d’usure au niveau des rivets. Le premier, c’est celui relatif au contact entre rouleaux et rivets. A chaque contact, le rouleau vient frotter sur son rivet, ce qui entraîne une augmentation de son diamètre interne et une diminution du diamètre externe du rivet. Le rouleau devient donc moins ajusté avec le temps.
Le second type d’usure, c’est le contact entre rivets et bagues. A chaque fois que votre chaîne n’est pas droite, qu’elle s’enroule autour d’un pignon ou d’un plateau, bref tout le temps, la surface externe des rivets vient frotter contre la surface interne des bagues. Au fil du temps, le même phénomène qu’avec les rouleaux se produit, et un jeu plus important est introduit entre ces deux éléments. C’est ce phénomène qui est à l’origine de ce que l’on appelle couramment l’allongement de la chaîne.
On parle de chaîne qui s’allonge, mais il est vrai que l’expression peut prêter à confusion. Ce n’est pas l’acier des plaques qui s’allonge, mais la petite quantité de matière en moins entre chaque maillon qui entraîne une différence notable sur une chaîne qui en comporte plus d’une centaine.
Comment mesurer l’allongement de sa chaîne
Il existe deux méthodes à peu près fiables pour mesurer cet allongement.
La première est de mesurer la longueur de la chaîne de rivet à rivet à la main. Une chaîne neuve devrait mesurer exactement un pouce entre chaque lien (on rappelle qu’un lien est composé d’un maillon interne et un maillon externe), soit 2,54 cm. On peut donc mesurer l’allongement avec un mètre (pour les bricoleurs du dimanche), un réglet (pour les plus équipés) voir une règle d’écolier (pour les plus démunis) sur une longueur de chaîne donnée. Cette méthode a l’inconvénient d’être quand même assez peu précise : il faut positionner la chaîne correctement, puis effectuer une mesure qui tient la route en prenant un nombre de liens suffisant.
L’allongement maximum admis est de 1%, mais c’est une bonne idée de ne pas trop attendre après avoir atteint 0.5%, surtout si l’on est sur une transmission aux standards actuels. Avec 10 pignons ou plus les chaines et pignons sont devenus plus étroits, et de plus en plus de cassettes qui embarquent des pignons avec beaucoup de dents font usage de l’aluminium, plus mou que l’acier, pour réduire leur poids.
La seconde méthode, que je vous recommande, est d’acquérir un outil qui permet de mesurer cet allongement. Personnellement j’utilise l’indicateur d’usure de chaine de VAR, mais il en existe d’autres qui reposent sur le même principe. C’est simple d’utilisation, il suffit de le poser sur sa chaîne, entre les maillons. S’il ne rentre pas, c’est que vous êtes en dessous de la mesure (la chaine n’a pas atteint l’allongement spécifié), sinon c’est qu’il l’a atteint ou dépassé.
Le problème avec ces indicateurs, et là on rentre vraiment dans les détails, c’est qu’ils prennent pour la plupart en compte l’usure des rouleaux. On l’a vu précédemment, l’usure des rouleaux n’a pas d’incidence sur l’allongement réel de la chaîne. Je vais en reparler un peu plus loin, mais gardez en tête que c’est bel et bien l’augmentation de la distance entre chaque lien à cause de l’usure des rivets au niveau des bagues qui cause le lot de problèmes liés à une chaîne usée.
A cause de ce petit détail, certains indicateurs peuvent annoncer la mort d’une chaîne de manière prématurée, d’autant plus que la tolérance est importante entre rouleaux et rivets.
Pour remédier au problème, d’autres comme le TL-CN42 de Shimano poussent les rouleaux dans le même sens lors de la mesure plutôt que les écarter, ce qui permet d’isoler l’usure rivet/bague de celle des rouleaux.
Enfin, il convient de vérifier pour chaque indicateur d’usure la mesure qu’il propose. Parfois c’est un pourcentage d’allongement (on en revient à notre 0.5 et 1%), parfois c’est l’allongement en millimètres d’un lien (comme sur le VAR).
Et avant que vous ne posiez la question, non, il n’est pas possible de donner un kilométrage moyen qui corresponde à la durée de vie d’une chaîne, tellement les facteurs sont nombreux pour la déterminer. Un cycliste de 60kg sur une route plate par beau temps peut tout à fait faire avec une chaîne quatre fois plus de kilomètres qu’un vététiste de 100kg en montagne avec des conditions exécrables.
Qu’est-ce que je risque si j’attends trop longtemps ?
Outre la fragilisation de la chaîne, le danger se situe au niveau du reste de la transmission.
Une chaîne est conçue pour que chaque rouleau se positionne profondément entre chaque dent. Lorsque la chaîne est usée, la distance entre ces points de contact augmente et les rouleaux se positionnent plus à cheval sur chaque dent. Le premier effet, c’est celui de la chaîne qui saute quand on pédale en puissance. Le second, c’est qu’en se positionnant ainsi, chaque rouleau va venir user les dents en agrandissant le pas entre chacune d’entre elle.
Si ce n’est pas perceptible au premier abord, la surprise vient une fois que vous changez cette chaîne, soit parce que vous avez trop attendu, soit parce qu’elle a cassé. Le pas ayant changé, la nouvelle chaîne ne passe plus sur l’ancienne cassette et ne fait que sauter malgré qu’elle soit neuve. Il faut alors changer également la cassette, et parfois même le ou les plateaux.
Économiquement, sur une transmission bon marché il peut être intéressant (comprendre : “allez, pourquoi pas si vous insistez”) d’attendre et changer cassette et chaîne en même temps. En effet, quand on considère qu’une chaîne coûte en moyenne 15 à 20€ et que certaines cassettes se trouvent pour 30€, user sa chaîne jusqu’à la moelle peut s’entendre. C’est en revanche une très mauvaise idée sur des transmissions VTT plus pointues où une cassette peut valoir 300€. N’oubliez pas non plus l’effet sur le ou les plateaux, souvent négligé. Il est d’autant plus important en VTT quand on roule en montagne, un plateau en alu de 30 dents ou moins effectuant plus de tours qu’un pignon de 46 ou 50 pour chaque révolution, et souvent avec un couple important répartit sur moins de dents…
Comment allonger la durée de vie d’une chaîne ?
L’élément principal qui affecte la durée de vie d’une chaîne est sa bonne lubrification. Je ferai d’ailleurs un point dans un prochain article sur les différents types de lubrifiants qu’il est possible d’utiliser, selon le type de terrain qu’on rencontre.
Mais qui dit bonne lubrification au sens large dit aussi propreté, et certaines conditions peuvent littéralement réduire de moitié la durée de vie d’une chaîne. Rouler en terrain détrempé vient vite à bout de certains types de lubrifiants, d’où l’intérêt d’utiliser le bon produit. Combiné à un sol sableux, on finit vite avec une chaîne dans laquelle s’infiltrent des grains qui mangent des rouleaux au petit déjeuner. De la même manière, une chaîne lubrifiée avec une huile assez lourde destinée aux conditions humides a tendance à attirer la poussière et peut rapidement se transformer en une pâte abrasive aux tendances similaires.
Si l’on ne peut pas faire grand chose contre ce phénomène, le minimum syndical est quand même de nettoyer sa transmission entre chaque sortie puis la lubrifier.
Le mot de la fin
Les discussions vont bon train entre pratiquants sur les bonnes pratiques à adopter. Certains prennent même le parti de tourner sur plusieurs chaines et tout remplacer une fois arrivé à usure, ce qui permet d’avoir un set de chaines dont l’allongement correspond au pas pris la cassette et le ou les plateaux, mais entraîne potentiellement une usure plus rapide de ces composants.
La donne est d’autant plus complexe que les transmissions ont évolué au fil du temps. Outre le mono-plateau qui devient omniprésent, on y associe aussi de plus en plus souvent des cassettes dont les plus grand pignons sont en alu, plus tendre et donc à l’usure plus rapide, pour alléger la balance, ces pignons étant parfois remplaçables indépendamment des autres. L’usure de chaque composant peut donc varier grandement selon la configuration de chaque vélo.
Changer sa chaîne de manière préventive reste néanmoins le meilleur moyen de maximiser la durée de vie de chacun de ces composants, d’autant plus qu’on est en présence d’une transmission haut de gamme. Cela ne veut pas dire que vous n’aurez pas à changer une cassette ou un plateau durant le cycle de vie de votre monture, mais l’échéance en sera d’autant retardée que vous gardez un œil attentif au niveau d’usure de votre chaîne.
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super merci !
Quel bel article!!!
Clair, précis, détaillé, compréhensible, juste, technique, humoristique.
Bravo.
Salut Samray,
Merci pour ton commentaire, heureux que ça plaise !
Merci, c’est un article très complet.
Je viens de consulter votre documentation sur l’usure de la chaine, par contre, si je peux me permettre, dans le 1er chapitre concernant l’usure rivet/rouleau, vous dites, concernant le rouleau “diminution de son diamètre interne”, c’est pas plutôt “augmentation de son diamètre interne”?
En tout cas, merci pour cet éclairage technique qui va me permettre de me méfier de la vérif avec le gabarit,.
Salut Yves,
Oui tu as raison, j’ai mis à jour. Merci d’avoir relevé ce point !
Salut Sébastien, je viens de mettre en pratique ta méthode qui consiste à pousser les rouleaux dans le même sens (j’utilise une petite cale en bois sur un rouleau), le constat est sans appel: quand je vérifie sans calage le gabarit descend sans problème(donc normalement nok), quand je mets le calage le gabarit ne descend pas du tout(donc ok)
Je précise que ma chaine à actuellement 850 km sur un VAE et dans les Vosges, ça sollicite la meca, encore merci pour cette info
Alors moi dès le départ j’ai pris le parti de tourner avec l’équivalent prix de chaînes que ma cassette. Pour simplifier je fais une rotation régulière de 500km sur 4 chaînes à 20€ pour ma cassette Sram 11V à 80€ qui de plus est en acier. Voilà qui me permettra d’espacer le remplacement fatidique intégral coûteux et en 4 saisons pour près de 6000km je n’en ressens toujours pas le besoin malgré l’usure bien dépassée de chaque chaîne. Un rapide calcul arithmétique permet de déduire que chaque saison ne m’a coûté que 40€ pour le groupe et je pense encore voir venir.
Quant à mon mono plateau avant, un Wolftooth acier 28 je le pense indestructible 🙂
Bonjour,
J’ai fait la même analyse, les gabarits de contrôle en repoussant les rouleaux en sens opposés mesurent plus le jeu des rouleaux que l’allongement réel de la chaîne. Je viens de changer ma chaîne car mon indicateur rentrait entre les maillons. Je l’ai mesurée, elle est allongée de 6 mm pour 110 maillons soit 0,45 %. On est très loin des 1 % généralement préconisé. Donc méfiance avec ces indicateurs d’usure. Vous êtes le seul site que j’ai trouvé qui explique bien que l’usure et les frottements sont entre les rivets et les douilles, et que la mesure de l’usure avec un indicateur est erronée.
Salut Yves,
Oui, c’est bien dommage que tous les indicateurs d’usure ne reprennent pas ce principe.