Rando VTT dans le Queyras : Tête de la Cula
25 septembre 2016. 1900m. Le soleil se lève nonchalamment sur la vallée, ne mettant pour le moment en lumière que les sommets. Nous sommes quelques centaines de mètres au dessus de Ceillac, au coeur du Queyras, où l’ami Guigui nous héberge dans son chalet d’alpage pour le week-end.
La veille nous a fait découvrir les couleurs de l’automne par les cols de Bramousse et Fromage (encore une chose qui ne s’invente pas) avant que la pluie ne nous oblige à redescendre prématurément.
Aujourd’hui, c’est sous un ciel d’un bleu immaculé que nous allons tenter de rallier la Tête de la Cula, 3121m, via l’une des plus belles randos que j’ai eu l’occasion de rouler, et sans aucun doute la plus belle de la saison. Enfin, si les kilos de fromage, saucisse et saucisson avalés la veille nous le permettent.
Direction les sommets enneigés
9h38. Le soleil n’est pas encore assez haut pour dégivrer les touffes d’herbe qui restent à l’ombre, mais on embraye via le chemin d’accès qui relie les hameaux à flanc de montagne presque jusqu’au bout de la vallée. On aperçoit au loin les sommets qui nous appellent mais semblent terriblement éloignés.
Nous bifurquons à gauche après avoir rattrapé la fin de la route et passé un premier gué. La montée se fait en l’absence de trace claire, entre les arbres, jusqu’à un petit pont en bois qui débouche sur un chemin en herbe, lequel va rapidemment se transformer en monotrace. Au soleil, il fait tout de suite plus chaud, et nous en profitons pour nous délester d’une couche de vêtements. Nous continuons à prendre de l’altitude en longeant un troupeau de moutons qui vaque à ses occupations sur notre droite.
Vers 2200m, plus un arbre en vue, altitude oblige. Nous traversons le Cristillan pour le laisser sur notre gauche. Pas vraiment aidés par le festin de la veille, on va beaucoup pousser pour la suite, alors qu’une bonne partie du chemin est totalement roulable, bien que le single en terre grise soit généreux en roche fuyante. Les sommets enneigés se rapprochent alors que l’on atteint l’ancienne cabane des douanes.
C’est aussi à ce moment que vont arriver à notre hauteur trois zozos en moto qui s’invitent sur le tracé dans l’illégalité la plus totale, et que nous suivions à l’oreille depuis leur arrivée en fond de vallée. Pour rappel, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’état, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur (article L. 362-1 du code de l’environnement) sous peine d’une amende de 1500€ et éventuellement d’une immobilisation du véhicule pouvant aller jusqu’à un an. Cette disposition a été rappelée dans une circulaire du 6 septembre 2005 qui l’explique en détails.
Il ne nous a pas fallu longtemps pour constater les dégâts sur le single suivant, que la récente fonte des neiges rendait humide et particuliètement fragile. Labourage en règle et ornières toutes fraiches de dix centimètres garanties à chaque épingle. Tant et si bien que l’on amasse une bonne quantité de boue autant sur les pneus que sous les chaussures lors des quelques centaines de mètres qui suivent.
Nous avons enfin une vue claire et directe sur la crête, et après une petite discussion avec les motards qui repartent dans l’autre sens, nous continuons sur notre lancée, avec un tronçon qui roule bien malgré la fine couche de terre mouillée à travers laquelle mon Rock Razor parvient à trouver de la traction, bien qu’à la limite de ses capacités.
Puis vient la dernière montée jusqu’au col de la Cula qu’une bosse nous cache pendant longtemps. La pente qui s’accroit entre pierre, neige et boue impose une diète stricte : poussage ou portage, au choix. Que ce soit à cause de l’air qui se raréfie (on approche des 3000m) ou de la fondue à la saucisse de la veille, on progresse difficilement jusqu’au col. Une fois les derniers mètres avalés, il faut vite se rhabiller, car le vent là-haut est glacial.
Quand c’est chose faite, on peut alors contempler le paysage qui nous entoure. D’un côté, la vallée du Cristillan, notre point de départ, qui semble si éloigné. De l’autre, c’est l’Ubaye, où nous avions posé nos roues en début de saison.
Quelques mètres sur l’autre versant suffisent pour nous mettre à l’abris du vent et casser la croûte.
Avant de repartir dans l’autre sens, on délaisse un instant les vélos pour grimper les quelques mètres de dénivelé menant à la Tête de la Cula, 3121m, qui offre une vue panoramique à 360° entre les vallées du Cristillan, des Aigues (au nord de la première) et de l’Ubaye.
On aperçoit en contrebas l’un des village les plus hauts d’Europe, Saint-Véran (2050m), surplombé par l’observatoire du Pic de Château Renard.
Après avoir envisagé à la montée de redescendre par le col sud du Cristillan, nous abondonnons l’idée : le single qui y nait est recouvert sur la majorité de sa longueur par une couche de neige qu’on devine plus épaisse qu’il n’y paraissait, et la traversée des crêtes pour atteindre le départ ne nous fait plus très envie dans ces conditions.
Carte postale version vélo de montagne
On revient donc sur nos pas, où il faut commencer par porter sur quelques mètres avant de retrouver le chemin.
Comme à la montée, le manque d’air est pénalisant et n’incite pas à lâcher les freins sur le début de la descente, où les pierres humides et les restes de neige s’invitent régulièrement entre deux tronçons de terre grise détrempée. Ca va beaucoup mieux quelques épingles plus loin, alors que nos roues progressent enfin sur un terrain plus sec. Quelles que soit les conditions, mon Hans Dampf à l’avant se montre excellent et fidèle à sa réputation de polyvalence.
La suite est peu technique et constitue une superbe occasion d’admirer les paysages que nous avions laissé dans notre dos à la montée. On est davantage sur une longue descente similaire à notre escapade en Ubaye qu’un single au fort gradient comme à Malaine, que nous avions pris pour redescendre du Lac Fourchu.
Après la cabane (où l’on aura aperçu une marmotte), on traverse le ruisseau pour retrouver la seule partie un peu fuyante du tracé. Mon frein arrirère en profite pour me donner un ressenti très bizarre, avec le levier qui vient directement contre le cintre. En pompant un peu, tout revient à la normal, et je me rendrai compte quelques minutes plus tard que j’ai en fait violemment voilé mon disque, qui doit écarter les plaquettes dès que j’arrête de freiner. Décidémment, après le lac Fourchu, de ce côté, je suis vernis. Heureusement, un frein arrière, ce n’est vraiment pas indispensable.
Quelques pif-pafs plus loin, nous sommes déjà revenus au pont qui traverse le Cristillan dans l’autre sens. Le single qui suit est négociable à la vitesse de la lumière, jusqu’au dernier virage à droite avant les rochers, qu’il vaut mieux éviter de rater.
On se retrouve ensuite bloqués par le troupeau de moutons, qui se pressent devant nous à toute vitesse. Nous en emergeons finalement, pour tomber nez à nez avec deux patous pas très contents. Après nous être extirpés de la situation sur des oeufs, la dernière partie de la descente s’offre à nous. Nous traversons le petit pont (encore un !) pour lâcher les freins sous les arbres, où la ligne droite finale nous ramène dans l’ombre.
Quinze minutes plus tard, nous sommes de retour au chalet, des étoiles plein les yeux, sans aucune envie de rentrer vers la civilisation.
Verdict
Quand on aborde la question de ce qui fait une bonne sortie vélo de montagne, un nombre important de paramètres peuvent entrer en compte. De la montagne et des paysages, forcément, du single qui envoie du rêve, ça fait du bien, de l’altitude et une ambiance d’isolement : tout ça revient en boucle dans les conversations. Avec cette sortie à la tête de la Cula, nous avons eu tout ça, et plus.
Tout d’abord, beaucoup de chance : la veille il pleuvait, ce jour là, le soleil radieux régnait sans partage sur le ciel d’un bleu immaculé. Les chutes de neige des derniers jours nous ont offert un décor somptueux, tout en nous laissant la voie libre pour accéder aux sommets.
Ensuite, un trio de compétition pour mettre l’ambiance, avec notre propre guide, Guigui, qui y a grandit et connaissait le coin comme sa poche. Encore un énorme merci à lui pour nous avoir hébergé, fait découvrir les produits du terroir (pour le meilleur et pour le pire !) et fait visiter un petit bout de sa magnifique région.
Enfin, les vues qu’offrent la Tête de la Cula et le reste de ce tracé sont tout simplement époustouflantes. Le côté sauvage du Queyras offre une sensation d’isolement total renforcé ce jour là par les couleurs qui s’en mêlent : sommets enneigés, roche grise, herbe dorée et verdure des arbres dans la vallée.
La descente n’est pas en reste : les épingles sur la première partie font vite place à des sections rapides dans un décor de rêve. Entre les passages un peu fuyants, les virages à vitesse moyenne, le dernier single très rapide et la fin sans réel chemin, il y en a pour tous les goûts.
Quant à la montée, les plus en forme passeront la plus grande partie sur le vélo, mais on les plaindrait presque tant la beauté des lieux demande du temps pour être contemplée.
Vous pouvez effectuer cette rando en partant de Ceillac, moyennant 200m de D+ supplémentaires. Le village de trois cent âmes, où j’avais campé cet été lors de mon périple sur la Route des Grandes Alpes, est d’ailleurs un point stratégique qui permet de s’aventurer sur bon nombre de randonnées pédestres ou à VTT. Suivez simplement la route qui part au nord-est et longe le Cristillan jusqu’à son terme, et vous vous retrouverez au premier gué.
Comme d’habitude, voici ma trace Strava si vous aussi vous comptez partir à la rencontre de ce petit bout de paradis.