Test : Jones Mind Expander
Comme annoncé dans mon article de présentation des nouveaux snowboards Jones pour cette année, je vous offre un test de la Mind Expander que la marque de l’emblématique freerideur a mis à ma disposition en ce début de saison, ce qui ne pouvait mieux tomber étant donné les conditions exceptionnelles depuis fin novembre.
Conditions de test
“Ca fait au moins six ou sept ans qu’on a pas eu des conditions comme ça en décembre.” Ces paroles forcément pleines de vérité puisqu’émanant de la bouche d’un bonhomme à la veste rouge frappée du sigle à trois lettres que l’on connait bien résument à elles seulent les formidables conditions de ce début d’hiver, qui m’a vu rider quasi-exclusivement avec la Mind Expander chaque weekend.
Trois journées le nez dans la poudre fraiche à soulever des gerbes de peuf au dessus du casque à chaque virage, une journée plus calme mais tout aussi agréable en poudreuse moins profonde et plus dense jusqu’à très lourde et mouillée l’après-midi en passant par quelques transitions sur piste fraichement damée. Bref, des conditions parfaites pour vérifier la véracité de toutes les bonnes choses lues à son sujet tant sur le site de la marque que les communiqués de presse.
- Planche —– Modèle testé : Jones Mind Expander 2018 | Taille : 158
- Matos —– Fix : Burton Mission | Boots : Salomon Malamute – 45 2/3
- Réglages —– Angles & forward lean : +24/+9, F5 | Stance : 58cm
- Rideur —– Taille : 185cm | Poids : 85kg (~95kg équipé, tartiflette de la veille incluse)
Fiche technique
Il faut dire qu’en recevant cette planche, une bonne dose de perplexité s’est mêlée à l’excitation. Notamment en la plaçant à côté de la Highlife que je ride (!) habituellement, planche freeride aux maigres prétentions poudristique (ou peufistique, au choix). La Mind Expander a vraiment un gabarit poids plume, et on se demande bien comment une si petite planche peut tirer son épingle du jeu dans la profonde. D’ailleurs, dans les télécabines, les réactions ont souvent été tout aussi perplexes, entre reconnaissance du recul massif des fixations et du rocker généreux, et incrédulité devant la faible longueur et largeur d’une telle planche. Bref, avant de vous livrer mes impressions, un retour arrière sur les specs de cette board s’impose.
Nouveauté 2017/2018, la Mind Expander s’appuie sur la collaboration de Jeremy Jones avec Chris Christenson, célèbre shapeur de surfs californien, entamée il y a déjà plusieurs années et qui a débouché pour 2017 sur la présentation de la Storm Chaser, un fish super court et très large présentant un nouveau type de cambre : le Christenson Surf Rocker. Ce rocker a été porté sur la Mind Expander, qui se veut plus polyvalente que son aînée tout en conservant un comportement surfy.
En découvrant la planche, ce rocker continu saute aux yeux et impressionne. Léger à l’arrière, quasiment flat entre les pieds, il élève ensuite le nose progressivement à partir des inserts avant les plus reculés et jusqu’à 6.5cm de haut.
Autre particularité sous la planche, la technologie Spoon, ici dans sa troisième itération, qui consiste à relever la semelle près des carres et qui est maintenant bien implantée dans la gamme Jones puisqu’on la retrouve également sur des planches comme la Hovercraft. Si vous pensez à la 3BT/Triple Base de Bataleon, laissez-moi vous rassurer. La techno Spoon se limite aux zones en dehors de la carre effective, et évite donc les écueils qu’on connait bien sur la techno Bataleon. L’idée est vraiment de jouer uniquement sur le comportement en poudreuse et améliorer le déplacement de la neige, principalement par le nez de la planche.
On est bien sur un shape directionnel qui s’approche du fish dans ses proportions : le tail est réduit et le nose proéminent. Sur ma 158, on frôle les 60cm de nose pour 39cm de tail en prenant le centre de chaque rangée d’inserts comme point de repère. Tout cela avec un setback… nul. Zéro centimètre de setback par défaut donc, et un stance de référence à 60cm pour la plus grande taille.
Le sidecut est plutôt fermé, 7.1m pour la 158. On comprend vite sur le papier que la Mind Expander n’est pas vraiment faite pour les grandes courbes à Mach 5, mais plutôt pour slalomer entre les sapinous. Le flex est donné à 6. En pratique il a l’air bien équilibré, la planche semble assez rigide en torsion mais relativement souple longitudinalement, surtout sur sa moitié avant.
Pour achever cette analyse purement théorique, concluons sur le point qui fait grincer des dents : le sizing. La Mind Expander est disponible en trois tailles : 150, 154 et 158. La marque affirme que c’est une planche qui se ride plus courte que la normale. Vous avez déjà entendu cet argument ? Moi aussi, et un bon paquet de fois. A l’heure actuelle, pas mal de fabricants avancent le même, tant et si bien qu’on en oublierait quelle est sa “taille normale”.
Ce qui ne ment pas en tous cas, ce sont les specs fournies par Jones. En ce qui concerne celles de la 158, la limite de poids est à 91kg. 91kg. Je la refais encore une fois : quatre-ving onze kilogrammes. Soit facilement le poids qu’accuse sur la balance votre bloggeur préféré, ses 85kg pour 1m85, et son équipement, sac ABS et kit avalanche compris. Si l’on peut comprendre la logique économique derrière un modèle spécialisé qui doit s’écouler à peu d’exemplaires face à d’autres plus polyvalents comme la Flagship déclinée elle en bien plus de tailles, cela reste dommage. Je reviendrai sur ce point un peu plus loin.
Deuxième aspect du sizing : la largeur. Pas de version wide ici, Jones propose une planche un peu plus large que la normale, sans toutefois croitre fortemment sur chaque taille, comme le fait dorénavent Ride par exemple. On se retrouve de ce fait avec 26cm au patin sur la 158, et si la forme du nose donne de l’espoir, le talon étroit laisse présager du pire. Avec mes Malamutes en 45 2/3, ça passe (bien mieux que je ne le craignais d’ailleurs), mais, même si ce n’est pas vraiment une planche de carving qui va faire prendre beaucoup d’angle, il est fort possible que les grands pieds s’y trouvent à l’étroit.
Aspect et finitions
Comme toujours, le ressenti qualitatif sur ce modèle Jones est superbe. Le dégradé rouge sur noir, la finition transparente qui laisse apercevoir le bois, et les motifs nuageux que je ne saurais trop comment décrire font très belle impression. Le top est biseauté sur son périmètre, c’est très propre. On retrouve sous la planche une semelle frittée ultra rapide qui n’a plus à faire ses preuves.
Encore une fois, je ne sais trop sur quel pied danser en ce qui concerne la semelle. Sur mon modèle de test, elle est totalement noire à l’exception du logo Jones sur le nose. Je ne peux que saluer l’utilisation d’une semelle noire, très facile à réparer chez soi de manière quasiment invisible. C’est d’autant plus important sur une planche de freeride/hors-piste qui va régulièrement faire des bisoux aux requins au fond de l’aquarium géant dans lequel nous évoluons.
Là où le bât blesse, c’est que deux semelles sont proposées sur cette planche. Et la seconde est l’inverse de la première. Rouge. Ce procédé utilisé par la majorité des marques permet d’économiser du p-tex, et il est impossible à l’achat de choisir sa couleur de semelle, mis à part en allant chercher la planche en magasin. C’est vraiment dommage, car même si je suis de l’avis qu’une planche n’est qu’un outil et qu’essayer de la maintenir en condition neuve au fil du temps apporte beaucoup de tracas inutiles, une semelle noire est quand même un sérieux gage de sérénité.
La pésence de la fameuse techno Spoon ne saute pas aux yeux. Il faut vraiment regarder de près pour se rendre compte que la semelle n’est pas plate près des carres au niveau du nose, et le raclage après fartage ne pose pas problème.
Sur le terrain
Après la théorie, il était temps de découvrir ce que cette planche avait dans le ventre. Et comme vous avez pu vous en rendre compte précédemment, j’étais vraiment dans l’expectative avant de chausser pour la première fois.
Mais ça, c’était avant.
La Mind Expander est finalement très surprenante et cache bien son jeu sous son appellation All-Mountain.
En réalité cette planche est un monstre de poudreuse. L’emmener hors des sentiers battus, c’est un peu comme rejouer David contre Goliath. Avec ses dimensions contenues, son sidecut serré, la Mind Expander vient incognito vous donner la banane dès que vous l’envoyez faire mordre son gros nez dans la poudre.
“Cette planche est un monstre de poudreuse.”
Commençons par le plus surprenant : son agilité. C’est bien ce qui intrigue le plus sous les pieds. J’ai beaucoup cherché le bon terme pour décrire cette sensation, sans jamais le trouver. On sent la planche prête à virer à chaque instant, comme en instabilité permanente. Est-ce le rocker, est-ce la techno Spoon ? Je ne sais pas, mais les sensations sont bien différentes de ce que que l’on vit avec une board classique qui en faisant sa trace dans la neige se trouve comme coincée latéralement par le sillon dans lequel elle s’enfonce.
La Mind Expander reste assez haut sur la neige, près de la surface, et part à la moindre impulsion. C’est une planche qu’on peut gérer assez finement, et mes Malamutes sont certainement un peu trop rigides pour en tirer tout le potentiel en poudreuse légère. Je ne sais pas si toutes ces histoires de surf rocker ont joué un tour à mon inconscient, mais j’ai retrouvé un feeling très proche de mes années windsurf sous les tropiques, avec une planche hyper-sensible, jamais bloquée latéralement et très joueuse.
La moindre bande de poudreuse permet de s’amuser en passant très rapidemment d’une carre à l’autre. J’ai pu le vérifier en bord de piste avec à peine plus d’un mètre de large pour m’exprimer. On peut s’amuser à renvoyer en poussant le nose de manière fluide, la planche se contente de glisser sur la neige plutôt que mordre aggressivement dedans.
“La mise en virage est un jeu d’enfant.”
La mise en virage est un jeu d’enfant. Les courbes serrées sont faciles à exécuter, c’est une planche très accessible qui tourne dans un mouchoir de poche. Le corollaire, c’est que la Mind Expander n’aime pas trop être chahutée. Prendre de la vitesse n’est pas un problème, tant que l’on reste dans les champs de poudre vierge. A l’approche de la trafolle, on la sent plus fébrile. Il faut redoubler d’efforts pour la maintenir sur sa trajectoire dans le défoncé, certainement le pendant des qualités évoquées plus haut. Chaque obstacle sur le terrain est un encouragement à la faire dévier de sa ligne. On se surprend alors à rider très en arrière pour laisser ce nez directif si sensible hors d’état de nuire et essayer de casser le terrain entre ses pieds.
L’effet du Christenson Surf Rocker, aidé par le grand nose et le tail réduit (mais pas inexistant) est impressionnant. La planche déjeauge très vite et possède une flottaison remarquable pour sa taille. Pour autant, ce n’est pas une planche qui se ride dans la profonde à deux pieds. On garde un appui franc mais pas accablant sur la jambe arrière, qui permet de facilement contrôler l’assiette de la planche grâce au talon court et jouer avec sur le plan vertical. Je n’ai jamais eu l’impression d’être à la peine pour éviter de faire du sous-marin, mais mes quadriceps sont régulièrement venu me rappeler après plusieurs heures qu’ils travaillaient davantage à l’arrière qu’à l’avant, ressenti renforcé par les passages dans les parties très trafollées auxquels je faisais référence plus tôt.
En pente forte dans la profonde on peut très facilement rester un peu en retrait pour rider de l’arrière en faisant s’asseoir la planche, et transférer son poids vers l’avant quand c’est nécessaire. En poudreuse un peu plus dense et moins profonde, l’appui jambe arrière devient quasiment superflu et la Mind Expander flotte naturellement en surface.
Comme sur tous les fish (ou fish-like dirons-nous), le talon court associé à une faible longueur totale pardonne moins les déséquilibres avant/arrière. On y gagne pas mal de contrôle puisqu’il est possible de modifier l’assiette de la planche assez finement, mais il est tout aussi facile de se retrouver avec le nez pointé vers le ciel en sortie de virage rapide. La correction est en revanche assez aisée et l’on se surprend rapidement à terminer son run en plantant l’appendice bien profondément dans la peuf en mode tail press pour montrer au monde la couleur de sa semelle.
Sur les neiges plus difficiles, le rocker continu s’avère forcément moins efficace qu’une planche à camber, sans toutefois mettre en difficulté le rider. La facilité de mise en virage est un atout indéniable pour négocier certaines sections.
La Mind Expander est dôtée du Traction Tech, un très léger magne-traction maison. Si léger d’ailleurs qu’il est quasiment indiscernable, si ce n’est la très légère ondulation perceptible uniquement en jetant un oeil plongeant sur la longueur de la carre. Il ne m’a pas été d’un grand secours lors de ma transition sur un amas de neige à canon totalement glacé en plein milieu d’un champ de poudreuse, en revanche le passage dans un couloir de neige très dure s’est bien passé. Difficile de faire le point sur l’efficacité du système tant les conditions ont été bonnes durant mon essai.
“Les petites sessions de carving serré donnent quand même le sourire.”
Puisqu’on parle traction, c’est le moment d’aborder les performances de la bestiole sur piste. Jones met le paquet depuis un an ou deux pour expliquer l’importance du simple virage sur une piste, allant jusqu’à démontrer la chose avec des vidéos de plusieurs minutes faisant la part belle au carving avec une… Storm Chaser. La polyvalence s’exprime dans le marketing de chacune des nouvelles boards Jones, et toutes les vidéos de présentation ont leur petit passage carving sur piste. La Mind Expander n’y déroge pas, avec son statut de All-Mountain alternative, comme vous avez pu le voir sur la vidéo un peu plus haut dans cet article. Pourtant, difficile de croire au miracle avec un tel rocker…
Les passages sur piste ont été bien rares pendant mes premières journées en sa compagnie. Et peu concluants. J’ai vraiment eu l’impression de m’ennuyer à chaque fois que je devais transiter jusqu’au prochain champ de peuf en vue. Et puis vint la première journée ensoleillée, avec des pistes damées à la perfection (mais quand même de la poudre en hors-piste, n’abusons pas). Quelle fut ma surprise quand je constatai qu’avec les bonnes conditions, cette planche est en fait plutôt marrante. Il ne faut pas espérer de grandes courbes à Mach 5 avec énormément d’angle, en revanche sur une neige pas trop dure et une pente raisonnable, les petites sessions de carving serré donnent quand même le sourire. C’est en tous cas surprenant venant d’un modèle avec autant de rocker. Même si j’hésite à employer le terme “pop” venant de ce type de profil, la planche renvoie bien en sortie de virage et s’avère agréable à mener de manière dynamique.
“Sur piste comme en dehors, la Mind Expander garde son caractère agile et peu enclin aux vitesses élevées en terrain difficile.”
Sur piste comme en dehors, la Mind Expander garde son caractère agile peu enclin aux vitesses élevées en terrain difficile. N’espérez pas trop vous tirer la bourre avec des potes sur piste, cette planche n’est pas le bon outil.
Terminons sur le sizing. Je ne suis en général pas très fan des conjectures sur les dimensions d’une board. La taille d’une planche fait partie de son design et de l’esprit que le shapeur a voulu lui donner. Toujours vouloir rajouter ou enlever des centimètres par-ci par-là, c’est comme dire qu’un swallow de 180 est trop grand et qu’on voudrait le même en 160 : l’esprit n’est tout simplement pas le même.
Mais il faut bien avouer qu’une taille supplémentaire pour les grands/gros (rayez l’option inutile le cas échéant) ne serait pas de refus. En ce qui me concerne je suis tiraillé entre le rapport flottaison/encombrement de la 158 qui fait des miracles en poudreuse un peu dense et peu profonde, et ce que pourrait apporter une 162 en profonde sans s’avérer handicapante au vu de l’agilité inée de ce modèle.
Conclusion
La Mind Expander porte bien son nom. En poudreuse, c’est certainement la planche la plus prompt à déclencher un virage que j’ai pu avoir sous les pieds, et c’est tout simplement une tuerie pour naviguer entre les sapins ou profiter des dernières bandes vierges en bord de piste, où elle est bien plus à l’aise que dans les champs vierges dévalés plein gaz. A son bord, chaque mètre carré de poudre est un prétexte pour la laisser onduler sous nos pieds plutôt que tirer tout droit.
Dans les parties techniques, son format planche de poche permet de naviguer facilement les difficultés. Ce n’est définitivement pas un snowboard aussi polyvalent qu’un modèle de freeride avec du camber qui permet de planter des gros carves à vitesse élevée, mais je suppute que la neige de printemps doit particulièrement bien convenir à une board aussi surfy.
Bref, la Mind Expander est un petit bijou dans la fraîche et l’essayer c’est l’adopter. Si sa nature “All Mountain” reste sujette à débat, elle est définitivement “alternative” dans son comportement en poudreuse et une vraie joie à mener en hors-piste.
- Vous hésitez entre la Mind Expander et sa grande soeur Hovercraft ? Lisez mon dernier comparatif entre ces deux planches pour faire votre choix !
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