VTTAE et sorties montagne à la journée : utopie ou réalité ?
Ca y est, j’ai encore ajouté un vélo au garage déjà bien rempli. Mais celui-ci a quelque chose de différent. Dix kilos d’embonpoint, un moteur électrique, une batterie. Bref, je suis passé du côté obscur et j’ai acheté un VTTAE.
Après plusieurs tests en sortant du confinement et malgré mon coup de cœur de l’année qui revient au Samedi 29 Game de Moustache qui m’aura définitivement converti au 29″, je suis finalement revenu à la raison en optant pour mon coup de cœur de la saison précédente en version épicée, le Trance SX de Giant. En occasion parce qu’il faut raison garder, Glisse Alpine ne me permet pas encore de rouler en Porsche et les prix du neuf chez certaines marques rattraperont bientôt l’icône automobile teutonne.
Bref, après l’avoir malmené sur mon circuit de test habituel et confirmé que le ressort et les cinématiques peu progressives ne sont toujours pas ma tasse de thé, ce que j’avais anticipé et qui pour la pratique visée ne me gêne au final pas tant que ça, j’ai eu l’occasion le jour suivant de prendre ma revanche sur une sortie qui avait fait l’objet du dernier billet de la section aventures du site, une boucle non bouclée achevée prématurément avec un genou grincheux, la légendaire traversée du plateau d’Emparis entre alpages et glaciers, herbe verte et neiges éternelles, impassibles lacs d’altitude et torrents tortueux.
L’occasion donc de revenir sur une question que je me suis longtemps posée et qui est partagée par beaucoup : le VTTAE est-il enfin viable en sortie vélo de montagne à la journée ?
Autonomie
La question principale que tout le monde se pose est celle de l’autonomie, et à juste titre.
Le VTTAE vu par le rideur expérimenté c’est avant tout le moyen de se faire plaisir quand le temps manque. Avec une à deux heures devant soit, il est possible en mode turbo-patate de gravir plus de mille mètres de dénivelé à la vitesse de l’éclair et enchaîner facilement le double de descentes par rapport à un VTT classique. Pour ce type de sortie, une très répandue batterie de 500Wh permet de rester sur le niveau d’assistance maximal tout du long si nécessaire sans atteindre la panne sèche. Mais viser une boucle qui tutoie les 2000m de D+ en montagne est une autre paire de manches.
Le profil de la boucle classique qui passe par le plateau d’Emparis est une double pyramide entre 1500 et 2500m d’altitude. Parce qu’en plus d’un genou encore en question, tomber en rade sur l’autre versant de la montagne sans possibilité de retour est bien sûr le moyen le plus sécurisant de tester l’autonomie de l’engin, vous en conviendrez. Surtout quand on a dormi trois heures la nuit précédente. Mais bon, le cœur a ses raisons que la raison ignore, tout ça tout ça.
Le moteur Yamaha PW-X re-brandé SyncDrive Pro par Giant possède la particularité appréciable de pouvoir configurer sur une certaine plage les différents niveaux d’assistance grâce à l’application de la marque. Après ma première virée qui m’a permis de sentir un peu mieux que pendant mes divers tests l’apport de chaque niveau d’assistance, j’ai réglé le mode éco à 75%, le réglage par défaut étant 100% et le minimum 50%. Ce réglage intermédiaire était plébiscitée par Aymeric, le précédent propriétaire de mon Trance gris à paillettes (que je comptais nommer “Le Moche” après “La Ruine” et “Le Monstre” qui désignent respectivement le Zesty et le Tues, projet qui n’aboutira probablement pas vu sa bouille au final sympathique) , et je reviendrai un peu plus loin sur l’agrément qu’il confère ainsi que mon ressenti vis à vis de ces différents niveaux d’assistance.
L’ascension depuis Besse se fait via une DFCI qui nous fait prendre environ 700m de D+ et s’avère parfaite pour une montée au train en mode éco. La montée vers les lacs est plus ardue, avec environ 250m de D+ sur sentiers creusés, négociés pour moitié à la pédale et pour moitié en poussant, parfois avec une pointe de walk-assist, et toujours en mode éco en couvant ma batterie.
Le début de la seconde pyramide se fait sur chemin large et permet de gagner 400m de D+, toujours en mode éco avec quelques pointes sur le mode basic réglé à 125%, avant l’ascension finale d’un peu moins de 300m de D+ avalée sur le vélo en mode turbo jusqu’à ce que la lucidité manque à l’appel pour négocier les étroits sentiers après six heures sur ou à côté du vélo.
Les derniers mètres manquants pour arriver entre 1700 et 1800m de D+ selon les sources se retrouvent dans les mouvements de terrain et la toute dernière petite remontée avant de récupérer le GR qui redescend sur Besse. La boucle totalise 40km, nous l’avons effectué en six heures de roulage/poussage sur une sortie de neuf heures environ, incident perte de GPS inclus.
A ma grande surprise, j’ai perdu ma troisième barre sur cinq juste avant d’entamer la montée finale, alors que je tablais sur une batterie au bout de sa vie à cet endroit, espérant simplement avoir suffisamment pour bénéficier d’un peu d’assistance à la marche sur celle-ci. D’où l’utilisation du mode Turbo sur cette dernière partie tant que c’était possible. J’ai vite perdu ma deuxième barre ce faisant, et fini à Besse avec une barre et 10% exactement d’après l’application consultée à mon retour.
Dans un premier temps assez bluffé par cette autonomie de dromadaire comparativement à mes divers tests qui m’avaient vu effectuer entre 1100 et 1450m de D+ sur une seule charge, cela n’a finalement rien de très étonnant en y réfléchissant. La part de puissance développée par le moteur avec 75% d’assistance est bien faible par rapport à une assistance à 300%. Au vu de ces données, mon gabarit plutôt dans la fourchette haute et ma désastreuse condition physique de confiné en manque de sommeil, il me semble tout à fait raisonnable pour le rideur en forme d’envisager des sorties de 2000m de D+ si les montées sont roulantes.
Franchissement
L’autre hic, sur le papier, du VTTAE en montagne, c’est son poids. Etant donné que le poussage, et surtout le portage, sont des incontournables (ou presque) de nombre de sorties montagne, étudier ce facteur est primordial.
Commençons par le poussage. Pas de mystère, avec 10kg supplémentaires sur la balance, un VTT électrique est forcément moins facile à pousser qu’un VTT classique. Opération que l’on peut cependant faciliter par l’utilisation du mode d’assistance à la marche ou walk-assist, que je n’avais par ailleurs encore jamais eu l’occasion de tester sur aucun modèle.
Sur mon Trance équipé du moteur Yamaha, l’opération de ce mode est plutôt fastidieuse et ne semble pas avoir été prévue pour durer dans le temps. Il faut appuyer sur un bouton pour activer le mode, puis garder le pouce sur le bouton qui permet de passer au mode d’assistance supérieur. Le hic, c’est qu’après un moment de poussage la main commence à fatiguer pour garder ce doigt en appui contre le bouton. Ce type de solution qui peut s’apparenter à un coupe-circuit a du sens mais il s’avère problématique pendant l’utilisation. Bref, ce mode a des vertus et s’avère bien utile mais c’est une solution qui n’est ni miraculeuse, ni parfaite.
Il reste toutefois possible de pousser sans assistance à la marche, c’est un peu plus difficile qu’avec un VTT classique mais largement viable même sur de longues périodes. Evidemment, chaque moteur a son propre système qui peut s’avérer plus ou moins simple ou contraignant à l’utilisation.
Le portage est quant à lui plus compliqué qu’anticipé. Après plusieurs heures dans les pattes, il reste possible de hisser son vélo ça et là pour passer une difficulté, mais je me vois mal partir sur des portages prolongés. Si le walk-assist permet de pousser là où l’on aurait alterné entre poussage et portage sans moteur, franchir un long passage escarpé où le portage est obligatoire peut devenir un réel problème. J’essayerais dans le futur d’expérimenter avec un vélo bien calé sur le sac pour optimiser la répartition du poids, mais de ce que j’ai pu ressentir jusqu’à présent l’entreprise me semble compliquée.
Enfin terminons par les performances d’un VTTAE en descente après plusieurs heures de roulage et poussage éreintantes. Nous ne sommes plus en 2015, les VTTAE de ces dernières années parviennent presque à faire oublier leur poids en descente et proposent, modulo le caractère de chaque modèle, des comportements sains. Je l’avais noté lors de mon test du Trance E+2, et je me répète avec le Trance SX : Giant a créé avec ces modèles des machines qui si elles n’offrent pas cette sensation de tapis volant comme peuvent le faire d’autres restent fort agiles et faciles à emmener. Le poids est en descente perceptible mais nullement handicapant pour placer le vélo. Il se ressent davantage dans le feedback renvoyé par la machine, notamment sur le travail des suspensions en dynamique, que dans l’effort nécessaire pour faire prendre au vélo l’angle ou la direction souhaités.
Agrément
Passons à la dernière grande question, plus générale, qui concerne les modes ou niveaux d’assistance, le fait de rouler à plusieurs avec des VTT classiques, et la qualité de l’expérience rando montagne en VTTAE.
Le débat semble battre son plein parmi les possesseurs de VTTAE vis à vis du niveau d’assistance adopté. Certains roulent en turbo et ne conçoivent pas de rouler en éco, parce qu’après tout, à quoi bon acheter un VTT électrique si c’est pour se traîner la nouille comme en musculaire (terme que je déteste, mais passons) ? D’autres se targuent de faire des sorties à rallonge en consommant le moins de batterie possible.
Il est en fait difficile de se faire une opinion sur l’apport du moteur en roulant seul et/ou sur des terrains que l’on n’a jamais roulé en VTT classique auparavant. Après quelques longueurs à 360% d’assistance, revenir à 100% semble transformer le vélo en enclume immuable.
Je me suis finalement réglé en accord avec le constat suivant :
- 50% : on s’approche de la limite où l’apport du moteur se fait sentir, selon la pente. Peu intéressant pour moi, même si je l’ai envisagé un instant.
- 75% : mode parfait pour rouler à la cool avec ceux qui ont plus ou moins la même condition physique et pousser un peu plus pour rouler avec les plus rapides. Le moteur pousse gentiment et permet de gérer l’effort à sa guise. C’est mon premier niveau d’assistance paramétré.
- 125% : c’est pour moi le mode “VTT en mode Nino”, on ne se sent pas encore pousser des ailes mais davantage être champion du monde de XC sur un VTT classique. C’est mon deuxième mode d’assistance.
- 200% : ça y est, on a définitivement basculé dans un autre monde. Plus vraiment de comparaison possible avec le VTT classique, ça pousse fort. C’est mon troisième niveau d’assistance, que j’utilise pour rouler à bon train près de chez moi.
- 300% : encore un cran au-dessus, on entre dans le monde du scandaleux qui permet d’avaler les montées à toute vitesse quand le temps presse, entre midi et deux par exemple. C’est mon quatrième mode d’assistance, que j’utilise rarement mis à part en montée technique très raide ou quand le temps manque.
- 360% : c’est le mode turbo sur le moteur Yamaha, il correspond au mode précédent avec un petit boost supplémentaire, de quoi s’attaquer aux montées techniques les plus compliquées.
Vous l’aurez compris, pouvoir définir son niveau d’assistance est un réel avantage, notamment lorsque se pose la question de l’économie d’énergie sur les sorties longues et le roulage en groupe mixte. A noter que je n’ai jamais accroché au mode adaptatif que proposent maintenant la plupart des moteurs dans leurs dernières moutures.
Après cette longue rando en altitude à la journée, le bilan est pour moi extrêmement positif. Comme mentionné précédemment, la gestion fine de l’assistance est un vrai plus pour rouler en groupe en dosant son effort sans avoir l’impression de laisser au seul moteur la tâche de nous faire avancer ou rouler trop vite en avant du reste du groupe. Ce dosage de l’effort est pour moi un des gros avantages du format qui permet d’éviter de se mettre dans le rouge alors qu’il reste plusieurs heures de roulage ou rester à niveau des lièvres plutôt que traîner la patte toute la journée.
Le mot de la fin
Impressionné je suis. Si les raisons pour passer au VTTAE sont multiples et variées, pour mon cas d’utilisation l’autonomie conférée par une batterie de 500Wh, qu’on pourrait presque qualifier d’ancienne génération étant donné le passage de beaucoup de modèles au 625Wh cette année, est bien suffisante pour rouler à un rythme VTT classique à la journée et aller titiller les 2000m de dénivelé positif.
Certes, il n’est pas possible de le faire avec un haut niveau d’assistance qui permettrait de boucler un tel tracé en une demi-journée, et ceux pour qui l’intérêt du format réside dans cette possibilité seront probablement déçus, quoi qu’un petit gabarit en forme pourrait peut-être s’en approcher avec une 625Wh selon le profil et le terrain.
Pour moi le contrat est rempli, et les possibilités s’étendent par rapport à ce que j’avais envisagé en pensant me limiter à des sorties de 1500m de dénivelé positif.
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Les crédits photo pour toutes les superbes images de cet article vont à nouveau à Hellzed.
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Salut,
Rebelotte bis repetita : un article bien écrit, riche en informations et pertinent à bien des égards. C’est tellement bien écrit et structuré qu’on croirait lire un véritable article de presse (voire mieux, sans rire), plutôt que certains publi-reportages copié-collés, trop fréquents ‘on ze net’.
Propos intelligents et exposé de faits, plutôt que l’habituelle logorrhée en mode braindead (en train de devenir la norme) : tu es certain de ne pas être un martien 😉 ?
Allez, j’arrête les superlatifs sans quoi je risque de provoquer une enflure de chevilles et alors, je m’en voudrais de porter atteinte à ta capacité à profiter de tes passions, motorisées ou non.
Alors chapeau bas, bonne continuation ! Et encore MERCI.
Salut Vince,
Haha, merci pour ton commentaire !
Pourtant ce type d’article est le plus facile à écrire, je ne fais que raconter ma vie, mes réflexions, interrogations et constats du moment… Rien à voir avec les heures passées le nez dans la doc SRAM pour comprendre l’étagement de leurs différentes gammes et repérer le changement de couleur d’une vis entre l’étrier d’une référence et celui d’une autre ! 😀
Vince a tout dit, tout est dit d’une bien belle des manières ! je me retrouve parfaitement dans ton ressenti… Continue…
Bonsoir,
Oui super article, en plus je vais bientôt passer au vttae un Trans E+ 1 pro 2020 pas encore reçu à ce jour! et donc je m’intéresse beaucoup au mode d’assistance de ce bike et surtout à son réglage je comptais justement mettre l’Eco à 75% je crois que l’idée est bonne.Me reste a arriver a m’adapter au moteur ainsi qu’a l’embonpoint du vélo nous verrons bien.
Merci en tout cas pour l’article top bien expliqué
Cette sortie est magnifique. Redescendre par les Clos la rend encore plus sublime. 🙂
Pour un dénivelé équivalent et une vitesse moyenne en montée de 8 km/h sur une distance de 24 km avant les descentes, je compte 1,6 W/kg/h nécessaire soit pour une masse totale à monter 1,6 x 95 x 3=456 W et je n’ai que 4 modes dans mon cas sur le VTTAE donc monter plus vite est inutile tout simplement.
Hello,
Août 2024 sur un scott strike, moteur bosch gen 4 ave. Batterie 625kwh. Autonomie de 35kms avec 1500 de D+, très souvent en eMtb. 95kg de pilote + 3L d’eau etc… 100Kg voir un peu plus au total.avec les chaussureset la bouffe… retour à 0%. Condition du pilote, débutant, impossible de monter longtps en tour+, tout chauffe. Cœur, jambe et même la tête.
3cols entre 1800 et 2600m. Pour passer